Travail-Santé : Repères revendicatifs de la CGT Educ’action
Les repères revendicatifs sont la base de notre réflexion et de notre action syndicale.
Les repères revendicatifs Santé et Conditions de travail [1] présentent une cohérence en liant explicitement la lutte contre le système d’exploitation capitaliste et la recherche du bien-être au travail. Ces repères nous permettent de nous emparer des questions liées au travail et à la santé, de connaître nos droits et de construire nos revendications sur nos lieux de travail.
Le principe des fiches a été retenu pour leur facilité d’utilisation. Les fiches permettent de connaître le cadre légal et les revendications portées par la CGT Educ’action. Elles sont un outil dont nous devons nous emparer pour construire notre émancipation. Tu les retrouveras en ligne sur notre site (thématiques > Travail-Santé) ou en pièce jointe.
1. Préambule
2. Partie 1 : Constat sur l’état de santé des personnels de l’Éducation nationale
3. Partie 2 : Se réapproprier le travail, vers l’émancipation des travailleur·euses et une société vraiment démocratique.
4. Nos 10 fiches revendicatives
1. Préambule
Dans une société capitaliste, le travail est souvent source d’aliénation et de souffrance. Être libéré·e du capitalisme, de l’exploitation de la classe dominante, du lien de subordination, c’est faire vivre un travail émancipateur où le salariat est aboli. Ainsi, les travailleur·euses se réapproprient leur ouvrage. Travailler c’est agir, transformer, créer, construire, imaginer, coopérer, faire lien. C’est un lieu où doit se travailler et se vivre la démocratie.
La santé, dimension fondamentale de la qualité de la vie ne se résume pas à l’absence de maladie, mais suppose un bien-être total fondamentalement déterminé par l’organisation économique et sociale de la société. Le travail salarié est aliénant dans la mesure où il s’exerce dans un rapport de domination et cela a des conséquences graves sur notre intégrité physique et psychique.
La CGT revendique, depuis ses origines, de conquérir autant le bien-être que la liberté. Le droit à la santé suppose, pour chacun·e, et collectivement, d’obtenir les moyens d’imposer des choix et de construire sa santé, c’est-à-dire son bien-être physique, psychique et social.
La CGT Éduc’action est aussi consciente que conquérir des droits nouveaux pour la santé des salarié·es se fera par la lutte de l’ensemble des personnels.
Dans l’immédiat, il est nécessaire que le gouvernement français signe la convention de l’OIT, en particulier l’article 9, relatif au « droit fondamental » à la sécurité et santé au travail dans un environnement de travail sûr et sain.
2. Partie 1 : Constat sur l’état de santé des personnels de l’Éducation nationale
Force est de constater que l’état de santé des personnels de l’Éducation nationale est principalement rendu public par les études de chercheur·euses, notamment ceux·celles de la MGEN, et non par l’employeur.
Les observations, depuis une vingtaine d’années, révèlent une tendance à la dégradation de l’état de santé des personnels de l’Éducation nationale.
Ces atteintes touchent plusieurs niveaux : l’intégrité physique, physiologique ou psychique, la restriction des marges de manœuvre, la percussion des valeurs par la perte de sens du métier et, enfin, le manque de reconnaissance.
• Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont détectés chez l’ensemble des personnels, mais aggravés dans des fonctions comme celles d’Accompagnant·es d’Élèves en Situation de Handicap (AESH) et les personnels administratifs.
• Les atteintes les plus fréquentes chez les enseignant·es sont les troubles de l’audition et ceux liés à la voix -un·e enseignant·e sur 6, en 2013, déclarant une impossibilité à faire cours, à cause d’une défaillance de sa voix, au cours d’une année scolaire.
• Au niveau psychique, on peut remarquer une augmentation rapide du nombre d’agent·es touché·es par un syndrome d’épuisement professionnel -appelé également burn out. La MGEN a considéré, lors de son enquête de 2013, qu’un·e agent·e sur 7 était en situation d’épuisement professionnel au sein de l’institution. Cela s’accompagne souvent d’un état de stress.
L’institution commence à peine à prendre la mesure des risques psycho-sociaux en tant que risques professionnels qui sont en explosion, notamment chez les personnels sociaux et de santé, de vie scolaire et d’accompagnement.
À la CGT, nous parlons de risques socio-organisationnels car leur origine est bien liée à une organisation du travail pathogène.
• Enfin, au niveau social, les personnels sont de plus en plus exposés à une forme de management autoritaire de supérieur·es abusant de leur pouvoir. Ces comportements sont fortement visibles quand le personnel est en lien direct avec la hiérarchie comme les agent·es administratif·ves.
L’autorité s’exprime également très fortement à travers les procédures d’évaluations professionnelles qui peuvent tourner en véritable réquisitoire à charge. La suppression des CAP a augmenté ces situations, en empêchant une vision des représentant·es des personnels sur les processus de mutation et d’avancement, vécus comme arbitraires.
Les réformes successives sont aussi des éléments puissants utilisés par le ministère pour mettre « au pas » les personnels. Cela nuit au collectif, entraînant l’isolement, jusqu’à des situations extrêmes de harcèlement de la part du·de la supérieur·e hiérarchique.
• Au-delà des questions d’intégrité, la santé des personnels est percutée par la réduction de leurs marges de manœuvre spatiales, temporelles et sociales.
– Les espaces de travail sont très variés, selon les lieux, ce qui génère de profondes inégalités quant aux conditions matérielles d’exercice des agent·es sur le territoire. Ces conditions spatiales d’exercice sont trop souvent indignes -locaux dégradés, salles minuscules, mal agencées, absence de mobilier adapté aux adultes…
– Sur le plan temporel, tou·tes les agent·es subissent une augmentation importante et constante de la charge de travail, notamment par l’ajout d’une multitude de tâches périphériques souvent issues de décisions liées à des réformes. Le temps est aussi compressé quand les distances entre les lieux de travail s’étirent comme c’est le cas pour les personnels contraints de se déplacer pour raison de service.
Les règles de mobilité, encadrées par des critères au barème datant de 1973, ne sont plus en phase avec la réalité actuelle. Ces règles cumulées aux suppressions de postes entraînent un gel du mouvement, au mieux un ralentissement. Cela impacte la vie personnelle et donc la santé psychique.
Par ailleurs, l’augmentation des effectifs d’élèves, de même que l’apparition et l’utilisation d’outils numériques ont tendance à augmenter considérablement le temps de travail empiétant sur la sphère privée.
– Les marges de manœuvre sociale s’affaiblissent, tant la charge et l’organisation du travail pèsent sur l’agent·e. Ainsi, aujourd’hui, aucune instance, aucun temps de rencontre ne permet véritablement aux personnels de pratiquer la « dispute professionnelle », c’est-à-dire de mener une réflexion collective sur le travail : son organisation, ses modalités, son efficacité, de discuter du travail réel, d’en mesurer l’écart avec la prescription et ainsi de se réapproprier collectivement le travail.
– Être en bonne santé au travail, c’est aussi y être en accord avec ses valeurs, c’est le sens que l’on donne à son métier, sa fonction. La perte de sens du métier est très fortement exprimée par les collègues : injonctions issues de réformes qui s’imposent aux personnels sans concertation et méthodes managériales qui ne font pas sens. Les personnels se trouvent dans une situation de conflit de valeurs, s’exécutent tout en étant en désaccord, conscients qu’ils·elles n’ont pas les moyens du « beau travail » -réformes, effectifs, tri des élèves, inclusion scolaire...
À titre d’exemple, l’inclusion scolaire, dont la CGT Éduc’action ne remet pas la nécessité en cause, est imposée sans aucun moyen et a tendance à dégrader la situation de toutes et tous. En effet, elle systématise la catégorie du « tout handicap », instrumentalisée dans le but de supprimer les RASED dans le 1er degré, au détriment de la réalité de la difficulté scolaire.
• Enfin, les personnels de l’Éducation nationale souffrent cruellement d’une nette tendance à l’absence de reconnaissance. La trop faible rémunération ainsi que l’image des métiers qui est véhiculée contribuent à augmenter leur malaise.
Il est important de préciser que les femmes ont des conditions de travail particulièrement dégradées au sein de l’Éducation nationale. Ce sont elles qui ont les salaires les plus faibles - elles représentent 92,4% des AESH, mais aussi 79,1% des fonctionnaires de catégorie B et 84,4% des fonctionnaires de catégorie C. De même, elles représentent 75,7% des personnels contractuels de l’Éducation nationale. Enfin, ce sont elles qui ont le plus de temps partiels. La précarité, très féminisée dans l’Éducation nationale, est un facteur aggravant de l’état de santé des personnels.
Les nombreux arrêts maladie, accidents de travail, reconnaissances d’inaptitude et d’invalidité témoignent des dommages sur la santé. Un·e enseignant·e sur trois est placé·e en arrêt maladie au cours de l’année scolaire, les agent·es, qu’ils·elles soient enseignant·es ou non, sont également deux sur trois à travailler alors qu’ils·elles sont malades, renforçant le risque d’épuisement professionnel.
Les démissions sont par ailleurs en très nette hausse chez les enseignant·es : le nombre d’enseignant·es qui a quitté l’institution a été multiplié par 6,2 depuis 2008, et même par 7,7 chez les enseignant·es du premier degré. Quant aux stagiaires, ils·elles sont également de plus en plus nombreux·euses à démissionner, ils·elles étaient presque au nombre de 700 en 2020/2021, leur nombre a été multiplié par 4,8 entre 2008 et 2021. Le recours aux ruptures conventionnelles augmente aussi le nombre de départs.
Enfin, la dernière enquête de la MGEN a montré également qu’un·e enseignant·e sur deux a déjà souhaité changer de métier.
3. Partie 2 : Se réapproprier le travail, vers l’émancipation des travailleuses et des travailleurs & une société vraiment démocratique.
L’Éducation nationale ne développe aucune culture de la santé au travail. Ainsi, les personnels ont tendance à placer la finalité du travail au-dessus de leurs conditions d’exercice, ignorant trop souvent qu’ils sont protégés par la loi. Les méthodes managériales s’emparent de ce « don de soi » pour culpabiliser les personnels.