Salaires 1er degré

 Le mérite enseignant, ça se mesure ?

 

Depuis 2007 et Sarkozy, de nombreuses tentatives (Blanquer et Mc Kinsay en étant les principaux acteurs) d’augmenter la part de la rémunération des professeur·es liée au « mérite » ont été organisées par les gouvernements successifs. Si ces tentatives n’ont pas été concrétisées, les récentes politiques d’Éducation vont toutes dans le sens de cette idée néo-libérale (méritocratie, new Public Management…) consistant à faire croire que tout activité humaine est quantifiable-mesurable objectivement et scientifiquement afin de maximiser le rendement des postes de travail. Ce principe serait donc également transposable pour l’enseignement et l’éducation des élèves…

Pour le ministre de la Fonction publique, il faut « mieux rémunérer ceux qui se décarcassent pour assurer nos services publics ». Sous-entendu qu’une bonne partie des personnels ne ferait pas ce qu’il faut et que les dysfonctionnements de nos Services publics seraient dus aux « feignasses », aux non-méritant·es. La crise sanitaire nous a clairement montré que cette posture gouvernementale est non seulement fallacieuse sur le fond, mais surtout inexacte dans les faits.

Évaluations annuelles, auto-évaluation, évaluation des progrès et résultats de nos élèves, évaluation des enseignant·es par les enfants et leurs parents, loi Rilhac… Ce pilotage basé sur le « tout-évaluation » participe à la construction, par le ministère, d’observateurs·trices et d’indicateurs permettant de différencier les enseignant·es et de les mettre en concurrence. Pour évaluer le mérite, le gouvernement dispose également du PPCR et des évolutions de carrière. En usant de l’avancement accéléré à certains échelons ou du passage à la Classe exceptionnelle, l’administration met en place une concurrence entre personnels en leur donnant le sentiment qu’ils·elles peuvent se démarquer de leurs collègues grâce à leurs qualités supérieures d’enseignant·e et leur mérite.

Déjà à l’œuvre dans les services administratifs avec le CIA ou le RIFSEEP (régimes indemnitaires liés aux résultats), dans les écoles avec la part modulable de la prime REP+ ou via le Pacte, la rémunération au mérite est contredite chaque jour par le réel de nos métiers :

  • si 2 collègues de même niveau de classes, mais avec des résultats aux évaluations nationales différents, n’ont ni le même nombre d’élèves ni la même taille de classe, la réussite supérieure de certain·es élèves est-elle le fruit d’un travail plus méritant de l’enseignant·e ? Si l’un·e a de nombreux élèves à besoins, l’autre plus d’enfants de fin que de début d’année, moins de filles que de garçons… (la liste est longue) Comment en tenir compte ?
  • si un·e collègue est plus souvent « absent·e » qu’un·e autre, cela signifie-t-il qu’il·elle est moins méritant·e ?

Pour « mesurer » de l’enseignement, de la réussite et plus particulièrement le mérite d’un enseignant·e, les éléments entrant dans la comparaison, autres que l’enseignant·e lui-même, devraient être parfaitement identiques et objectifs afin d’identifier la différence créée par l’un·e ou l’autre professeur·e : il est donc scientifiquement impossible de mesurer les différences entre le mérite de deux enseignant·es et donc de conditionner leur salaire à celles-ci.

Cette lubie libérale est donc principalement utilisée comme contre-feu visant à masquer la dégradation des Services publics et particulièrement celui d’Éducation, mais également à masquer la volonté de précariser les statuts et les rémunérations. Cette obsession vise aussi à mettre en concurrence les personnels afin de casser les collectifs de travail qui pouvaient (et doivent) encore exister dans les écoles et établissements scolaires. Elle créera de fait des discriminations entre ceux·celles qui se vendraient mieux et qui arriveraient à « écraser » les autres pour obtenir cette part au mérite.

Ce type de rémunération se fait déjà et se fera encore sur des critères basés sur le travail prescrit par l’employeur (fiche de poste et directives) contre le travail réel (ce que l’on fait réellement au travail pour que cela fonctionne) des agent·es.
Il ne faut pas oublier non plus que cette part de rémunération sera indemnitaire et donc volatile, non pérenne… La récente affaire des HSE et autres indemnités suspendues expressément par le gouvernement dans le cadre de sa politique austéritaire montrent à quel point c’est un danger. Ce n’est pas cela dont nous avons besoin et c’est cette politique que la CGT Éduc’action dénonce.