Direction d’école un tournant historique… et funeste.
La proposition de loi Rilhac, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale en juin 2020, visait à faire des directeur·trices d’école des supérieur·es hiérarchiques des autres collègues de l’école. En partie vidée de son contenu par le ministre lui-même, la nouvelle proposition adoptée en mars 2021 par le Sénat réaffirme cette position de chef·fe en instaurant une autorité fonctionnelle et une délégation de pouvoirs. Or, selon les chiffres d’une enquête réalisée par le ministère en 2019, seulement 11% des personnels y sont favorables.
Le 2 juillet dernier, le ministère a annoncé, à la fin d’un groupe de travail sur les obligations réglementaires de service des directeur·trices d’écoles, qu’à la rentrée 2022, seront mis en place ces emplois fonctionnels de direction dans les écoles à décharge complète, à partir de treize classes pour les écoles maternelles et de quatorze classes pour les élémentaires. Il faut savoir qu’un·e agent·e occupant un tel emploi fonctionnel est placé·e dans un rapport étroit de relations et de confiance vis-à-vis de son autorité de nomination. Cette dernière lui confie une responsabilité en contrepartie de laquelle l’agent·e pourra, à tout moment, être révoqué·e (en cas d’alternance politique ou pour un tout autre motif). La logique de l’emploi dépasse alors celle de la carrière. Contrairement au grade qui appartient au fonctionnaire, l’emploi est à la disposition de la seule administration. L’autorité accordée aux directions pourrait s’étendre à l’évaluation et à la nomination des enseignant·es, ce à quoi le président Macron a donné corps début septembre, dans le cadre du plan Grand Marseille : une autonomie quasi-totale des directions de cinquante écoles marseillaises dans le recrutement et l’encadrement des personnels ainsi que la gestion des projets pédagogiques, des rythmes scolaires ou des horaires. On se trouve dans la droite ligne du « Grenelle de l’Éducation ».
Pour la CGT Éduc’action, ce n’est pas en modifiant le rôle et le poids des directeur·trices d’école que l’on répondra aux attentes, que l’on suscitera les vocations et recrutements parmi les personnels ainsi que la pérennisation des équipes pédagogiques. Au contraire, le recrutement local et l’autonomie forte laissée aux directions, dans un contexte de concurrence, accentueront les inégalités scolaires et sociales. Prises en étau entre les injonctions des corps d’inspection et les avis-demandes des équipes enseignantes, les directions seront dans une position peu enviable.
Cette loi, si elle est adoptée (à la mi-septembre) et déclinée réglementairement, sera inutile voire dangereuse. Surtout, elle ne répondra absolument pas à une quelconque demande de statut et/ou de pouvoirs de la part des directions, comme l’a reconnu ces derniers jours la députée Rilhac. Elles disposent déjà d’une batterie de règlements leur donnant la possibilité de trancher (lors des conseils des maitre·sses si désaccords) et le décret de 1989 relatif aux directions d’école est toujours en vigueur.
Pour la CGT Éduc’action, il y a surtout urgence à s’attaquer au mal-être des directeur·trices qui vient d’une surcharge récurrente de travail, d’un manque de temps et d’un manque de personnels administratifs statutaires (pour assurer le secrétariat, les aspects médico-sociaux…) et enseignants (RASED, remplaçant·es…).