Luttes 2nd degré

 LGT : projet ministériel d’évaluation

 

Le contrôle continue en pratique

Depuis 2018, Parcoursup organise la sélection généralisée pour l’accès à l’enseignement supérieur. Ce changement aurait eu des impacts sur les pratiques d’évaluations dans nos établissements, même avec le maintien du baccalauréat en contrôle final, mais la mise en œuvre du contrôle continu accentue la logique du « bac maison », des pressions sur les personnels et du stress des élèves. C’est pourquoi il est fondamental d’abroger Parcoursup autant que le contrôle continu au lycée.
En attendant, avec l’annonce de la nécessité d’élaborer un « projet d’évaluation » (PE) par établissement en cette rentrée, il est important de prendre de la hauteur sur les questions d’évaluation. Ce guide propose aussi des outils de défense concrets dans les établissements contre le passage en force de ces projets qui vont restreindre notre liberté pédagogique et accentuer le rôle d’exécutant∙es que le ministère veut nous assigner.

Qu’est-ce qu’un projet d’évaluation ?

Etape 1 : en cette rentrée 2021, deux demi-journées doivent être banalisées dans les établissements en vue de « construire le projet d’évaluation » de l’établissement.
Etape 2 : « validation du projet d’évaluation par le conseil pédagogique ». Soulignons que le code de l’Éducation, supérieur dans la hiérarchie des normes, précise que le conseil pédagogique n’est que consultatif et « ne peut porter atteinte à [notre] liberté pédagogique ». Art L912-1-1 du code de l’Éducation.
Etape 3 : le projet d’évaluation est ensuite « présenté en conseil d’administration ». Le terme « présenté » entretient un flou : doit-il être voté pour pouvoir s’appliquer ? La question est d’importance car si le projet d’évaluation est voté au CA, il pourrait intégrer le projet d’établissement et s’imposer aux enseignant∙es (Article L912-1-1 du Code de l’Éducation). La contrainte serait la même si ce PE conduisait à intégrer au règlement intérieur la question de l’évaluation des élèves.

Pour faire face à ce danger, nous vous proposons une démarche dans ce guide.

À quelles situations devons-nous faire face ?

Imposition du nombre et du type d’évaluations
Présente dans le guide de l’Inspection, cette situation va être fréquente. Or, d’une discipline à l’autre les différences sont notables (méthodes, volumes de cours…). Il faut invoquer cette diversité pour faire supprimer toute référence chiffrée. Nous avons même déjà constaté des propositions de nombre minimal ET maximal par trimestre… Une telle solution rendrait rapidement notre situation intenable. Ce cadrage ne nous protègera pas de la pression de certaines familles. Cela risque au contraire de multiplier les cas et le « sentiment d’iniquité » d’un∙e enseignant∙e à l’autre ou d’un trimestre à l’autre au moindre écart.

Imposition de devoirs communs
Jusque-là, ils préparaient aux épreuves finales. Le ministère semble désormais vouloir les imposer pour garantir que les élèves ont travaillé sur des épreuves longues. Si ces dispositifs peuvent être ponctuellement utiles, il y a un risque de multiplication et leur développement dès la seconde. Conséquence : stress, travail supplémentaire et, implicitement, progressions communes imposées par l’exigence de sujets communs. On peut y voir des E3C déguisées et moins cadrées… méfiance !

Fraude et absence d’élèves aux évaluations, que dire ?
Le ministère souhaite renforcer le suivi en cas de fraude pour « légitimer l’évaluation ». Risque de s’ensuivre la multiplication de procédures administratives qui non seulement renforce l’image d’une évaluation-contrôle, mais accentue aussi la charge de travail et la tension des collègues sur le sujet.
Sur les absences, même risque de multiplication de procédures lourdes qui va sans doute peser sur l’organisation de l’établissement, notamment la vie scolaire, comme des rattrapages de fin de trimestre.
Or, les enseignant∙es sont à même d’identifier si les évaluations de leurs élèves sont représentatives de leur niveau sans externaliser cette compétence par des procédures administratives et systématiques. Là aussi, la souplesse est de rigueur.

Rôle du·de la chef·fe d’établissement
Le∙la chef∙fe d’établissement est sensé∙e « piloter ». Dans la pratique, il∙elle influe fortement. Dans de nombreux établissements, les chef∙fes cadrent très fortement, même lorsqu’ils∙elles proposent du travail en atelier. Il n’y a pas de volonté d’avoir une réflexion d’ensemble sur l’évaluation comme outil de progression des élèves mais seulement la mise en œuvre du guide ministériel.
Nous incitons les personnels à se saisir des banalisations en proposant une autre organisation : insister sur les aspects qualitatifs de l’évaluation, proposer des échanges de pratiques interdisciplinaires…
En cas d’atelier, ne vous laissez pas imposer les membres : certain.es chef∙fes isolent les syndicalistes pour verrouiller les autres groupes.
Les chef∙fes pourraient même « corriger les biais décimologiques » (écarts de moyennes) lors de procédures d’harmonisation… ce qui ne pourrait toutefois pas se faire lors des conseils de classe, contrairement à ce que nous avons pu connaître par endroits l’an dernier.

Recours Tribunal Administratif (TA) des familles
À ce jour, une seule procédure a été intentée au TA, et non pour manque de note… mais parce qu’un enseignant n’avait jamais été remplacé par le rectorat. Un changement de pratique des familles pourrait s’opérer mais rien n’est sûr.

Que faire face au projet d’évaluation ?

Nous appelons les personnels à s’organiser collectivement pour refuser la mise en œuvre de ces projets d’évaluation par établissement. Lorsque le rapport de force ne permet pas un refus complet, nous incitons les personnels à investir les journées banalisées pour :
empêcher la mise en place de dispositifs coercitifs qui réduiraient notre liberté pédagogique (devoirs communs, progressions communes, établir un nombre de notes…) et utiliser le conditionnel pour garantir la liberté pédagogique ;
prendre le temps de discuter en profondeur des questions d’évaluation. L’enjeu est de nous réapproprier cet outil au lieu d’entrer dans des discussions quantitatives. Définir un nombre de notes n’est pas discuter d’évaluation.

En Conseil d’Administration, faut-il voter le projet d’évaluation ?
L’arrêté prévoit une « présentation en Conseil d’Administration ». Cela n’implique donc pas nécessairement de vote. Or, même sans vote, une fois acté en CA, le projet d’évaluation s’appliquera aux personnels et ira rejoindre le projet d’établissement à plus ou moins brève échéance. Ainsi, ne pas voter le projet ne protège pas plus que le fait de le voter.
Tout l’enjeu est donc que le projet qui arrive au CA soit le moins contraignant possible grâce à nos actions en amont (journées banalisées et conseil pédagogique). À défaut, nous incitons les personnels à refuser ces mesures contraignantes en CA.
Le règlement intérieur peut aussi être amené à être modifié suite au projet d’évaluation. Nous vous incitons, pour les mêmes raisons, à refuser des modifications qui augmenteraient les contraintes.

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