2nd degré

 Une réforme qui signe la fin du collège unique ?

 

Le temps long nécessaire à la compréhension du terrain ne semble pas encombrer les ministres qui défilent. Des coups de buzz, des éclats, des promesses aux familles voilà comment le ministère est mené. On prend les évaluations PISA parce qu’elles arrangent la politique de tri social souhaitée mais on oublie les enquêtes de l’OCDE sur le taux d’encadrement, catastrophique en France. Des tests sans bilan, des coups d’épée dans l’eau qui désorganisent les établissements ; le "choc des savoirs" a bien sûr percuté le collège et après un an de soutien/renforcement, ce sont désormais des groupes de niveau qui seront à mettre en place en français et mathématiques.
Malgré le discours de façade sur une politique basée sur l’expertise des enseignant·es, c’est bien une nouvelle étape de destruction de leur liberté pédagogique qui est en marche.

Une évaluation qui fait système...

Comme en 2018, où dans la foulée des résultats PISA, Blanquer annonçait vouloir s’attaquer à la « fracture scolaire » ; Attal s’appuie cette année encore sur cette étude de l’OCDE pour imposer un nouveau train de réformes. Ce pilotage par des évaluations standardisées qui mettent en avant les « compétences » est encadré par une multiplication de certifications (Evalang, Pix…) et bien entendu par les évaluations nationales qui dès l’entrée en 6ème seront utilisées pour trier les élèves dans les différents groupes de niveaux. Adjoint à un cadrage de la liberté pédagogique via des progressions communes imposées par ces mêmes groupes de niveaux « modulables », le plaisir d’apprendre et d’enseigner va se retrouver bridé par cette prescription uniforme de pratiques et d’évaluations.

Un nouveau brevet

Les annonces Attal prévoient une refonte du DNB qui doit « redevenir la clef de voute » et « retrouver un sens qu’il a perdu aujourd’hui ». Sa structure sera réformée (épreuves terminales 60% - contrôle continu 40%). Il deviendra indispensable, dès la rentrée 2025 pour pouvoir entrer en seconde (qu’elle soit générale ou professionnelle). Les élèves qui ne l’obtiendront pas devront rejoindre une classe « prépa-lycée ».
En plus d’annoncer une forme de renoncement à emmener tous les élèves de fin de 3ème au niveau Brevet, cette mesure paraît floue voire infaisable en terme de moyens et de structure.

Du "renforcement" en français et mathématiques

Le ministère annonce que les élèves en très grande difficulté auront aussi plus d’heures de français et de mathématiques, au détriment d’autres disciplines, et en prenant sur la marge, en accord avec les professeurs et les parents. Les élèves en échec vont donc être placé·es en situation de rabâchage et se voir supprimer des heures de cours dans des disciplines où ils∙elles réussissent mieux et retravaillent justement des capacités transversales de ces matières dites fondamentales. Par ailleurs, ils∙elles vont se retrouver durablement sous un régime dérogatoire, hors du cadre collectif de la classe, ce qui ne manquera de poser de nouvelles difficultés lors d’un éventuel retour.
> Les élèves vont se retrouver durablement sous un régime dérogatoire, hors du cadre collectif de la classe.

Le grand retour du redoublement

Il est en net recul depuis 20 ans mais pour certain·es c’est la solution miracle. Peu importe que les études montrent que le redoublement renforce le décrochage scolaire en plus d’être socialement discriminant ; désormais les professeur·es auraient le « dernier mot ». Derrière cette posture d’autorité se cache le fait qu’on attend souvent trop tard lorsque l’élève est en grande difficulté, alors qu’il faudrait rendre possible une vraie remédiation au sein de la classe, ce qui passe par une baisse réelle du
nombre d’élèves. Enfin, pour ceux·celles qui échapperont de justesse au couperet, un passage sous condition pourrait être autorisé … à condition de faire preuve d’abnégation pendant des vacances d’été amputées par des stages de réussite.
Les laissant croire en « la confiance en leur expertise », une fois encore le ministère dupe les enseignant·es, puisqu’il ne s’agit pas de revenir aux taux de redoublement des années 90 , ce qui coûterait trop cher, et n’est, par ailleurs, pas souhaitable.

Groupes de niveau : un capharnaüm organisé

Cette réforme Attal, déjà inique et attaquant les fondements du collège unique, se distingue par le capharnaüm organisationnel que ces décisions vont entraîner pour nos établissements, nos élèves et leur famille et les personnels. Pour l’heure, il est prévu de diviser en trois groupes les élèves de chaque classe de sixième et de cinquième, tout en limitant les groupes faibles à 15 élèves face à l’enseignant·e. Or nos classes comptent en moyenne 26 élèves. Pour un collège moyen de 400 élèves, le ministère prévoit une soixantaine d’élèves faibles en sixième et cinquième, soit quatre groupes. Les 140 autres élèves se verront donc êtres réparti·es sur des groupes d’une trentaine d’élèves soit à peu près cinq. Voilà comment en un dossier de presse un peu vendeur le ministre Attal vient de transformer 8 classes de sixième et de cinquième en 9 groupes. Des groupes qui, pour pouvoir être mutualisés chez les “forts” ainsi que chez les “moyens” vont devoir être alignés entre les différentes classes, ankylosant les emplois du temps des élèves, faisant exploser ceux de nos collègues de français et de mathématiques. Le ministère doit répondre à cette question : où trouver les 9h de français et de mathématiques en sixième ainsi que les 8h en cinquième quand on peine à recruter le nombre d’enseignant∙es idoine à un fonctionnement traditionnel ?

Les classes de niveau : le collège du tri

Le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal attendait avec impatience les résultats de l’enquête PISA qu’il savait mauvais pour publier ses mesures, s’asseyant comme son prédécesseur sur le dialogue social. Parmi ces mesures, la création de groupes de niveau en français et en mathématiques. Ils seront mis en place pour les 6e et les 5e à partir de la rentrée 2024, et concerneront les 4e et les 3eà la rentrée 2025. Les avis des professeur·es des écoles de CM2 affinées ensuite par les évaluations d’entrée en 6e serviraient de base à la création des groupes.
Le dispositif se présenterait ainsi : les élèves d’une même classe continueraient à suivre tous les autres cours ensemble, mais seraient séparé∙es selon leur niveau pour les cours de français et de mathématiques (soit un tiers de leurs enseignements). Ils et elles seraient réparti·es dans des groupes avec des élèves d’autres classes.

À l’encontre de la recherche

Les recherches montrent que si les classes de niveau bénéficient à des élèves, c’est aux plus performant·es ! En revanche, elles ont un effet négatif sur les élèves dont le niveau est plus faible. Cet effet est plus important que les bénéfices pour les bon∙nes élèves.
Si les groupements d’élèves ont des effets négatifs c’est qu’ils impliquent des choix didactiques différents en fonction des groupes. Dans les groupes d’élèves fort·es, les choix porteront sur la création d’une certaine émulation alors que dans les groupes faibles, les objectifs seront revus à la baisse afin de ne pas décourager les élèves. Or, nous le savons, ce qui freine les élèves est souvent lié à leur peu d’estime d’elles et eux-mêmes et à leur capacité à progresser et réussir.
Enfin, nous le savons également, la réussite ou l’échec scolaire sont en grande partie corrélés aux origines sociales des élèves. La mixité, comme l’hétérogénéité, joue un rôle de socialisation indispensable.

Fin du groupe classe et de l’hétérogénéité

Cette mesure va avoir également comme conséquence néfaste de supprimer le groupe classe pour les enseignant·es de français et de mathématiques, empêchant le suivi des élèves et réduisant de manière drastique tout projet de classe.
L’hétérogénéité n’est ni un problème ni un frein aux apprentissages. L’hétérogénéité dynamise les enseignements , développe l’entraide et l’autonomie. La difficulté scolaire ne se règle pas à coup de recettes, de fiches ou d’exercices répétitifs. Si l’ambition de l’École est de permettre à tous et toutes de progresser, l’École doit mettre des moyens en heures, en personnels formés et considérer que l’Éducation Prioritaire doit être véritablement prioritaire et bénéficier de moyens à la hauteur.
> Ce dont les élèves en difficulté ont besoin, ce n’est pas de méthodes simplistes ni d’un retour à l’École fantasmée d’antan mais d’une pédagogie émancipatrice, librement mise en œuvre par leurs enseignant·es, en nombre suffisant pour réduire drastiquement les effectifs par classe.

Ouvertures des collèges REP

L’ensemble des 1100 collèges français du Réseau d’Éducation Prioritaire ouvrira de 8 h à 18 h à la rentrée 2024. Cette décision concerne 600 000 élèves inscrit∙es en REP et REP+ sur le territoire et coûterait 80 millions d’€ sans budget prévisionnel. Peu importe, Attal a prévu un amendement au projet de loi de finances 2024 pour obtenir des moyens.
Une fois de plus on fait porter sur l’Éducation le manque de moyens dont souffrent les politiques de la ville en faveur de la jeunesse.
S’il s’agit de soutien/aide/approfondissement pour tou·tes les élèves, la CGT Éduc’action revendique de faibles effectifs et la diversité des prises en charge, visant à proposer un travail plus adapté à la situation de chaque élève : travail autonome, soutien, conseils et tutorat (éventuellement entre pairs), aide collective ou individualisée, méthodologie.
S’il est question de permettre aussi l’accès au sport et à la culture, la CGT Éduc’action revendique des moyens pour les projets culturels, sportifs, associatifs qui viennent des élèves, et dans le cadre d’un service public qui n’externalise pas ses missions à certaines associations ressemblant davantage à des entreprises scolaires. Et bien sûr sans contrainte pour les élèves et les personnels.
La CGT Éduc’action milite pour un collège unique polytechnique, offrant à chaque élève une large culture commune.

EXIGEONS
 Des recrutements massifs de personnels (enseignant·es, vie scolaire, AESH, AEd, ATSS, ...)
 Des classes ne dépassant pas 20 élèves
 De nouvelles grilles salariales, basées sur un SMIC à 2000€ brut, à avancement unique et sur un seul grade, permettant a minima le doublement de salaire sur une carrière complète pour une retraite à 60 ans et 37,5 annuités.

Le 4 pages complet ici :